Remontant de la plage, Haruki enlevait les quelques grains de sable qui étaient probablement restés sur ses vêtements. Bon, il ne s’était pas non plus roulé dans le sable, même si c’était probablement très amusant, tant qu’on ne finissait pas par bouffer le sable, parce que ce n’est pas bon. Beaucoup de gens ont dû tester de bouffer du sable, et ça n’a jamais été vraiment approuvé par qui que ce soit.

Et maintenant il se retrouvait sur le port. La plage, c’était clairement mieux, mais le port, c’était bien aussi. Il y avait quelque chose de cool dans le bruit d’un bateau quittant le port, les oiseaux qui signalent bien fort leur présence, mais pas de façon désagréable, et le bruit de l’eau dans le port. Pas de réelles vagues, mais du bruit quand même.

Il observait le port. Vu l’heure, les gens quittaient peu à peu l’endroit, mais d’autres restaient. Après tout, les balades le soir, c’était aussi relaxant.

Haruki leva les yeux vers le ciel, observant celui-ci. Le soleil n’était pas couché, car les saisons avançaient, vu qu’on était en mai, mais malgré tout, le ciel était beau. Bon, ce n’était pas le ciel d’été, qui avait un air tout particulier, mais le ciel de printemps n’était pas mal non plus.

Et la brise, malgré le fait que l’odeur des ports ne soit jamais particulièrement plaisante, était agréable.

Il avança un peu, fixant le ciel un moment, puis se dit que finalement, marcher sans regarder ou on allait, ce n’était pas forcément une bonne idée. Il se décida donc à regarder devant lui, marchant encore un peu, avant d’entendre une voix retentir.

Un peu trop fort à son gout, mais bon, tant pis.

Il tourna la tête en direction du bruit, découvrant que l’origine du bruit était une fille.

Une fille, qui se vantait de pouvoir obtenir des millions d’amis toutes les semaines.

Pourquoi les gens tiennent tant que ça à avoir beaucoup d’amis ? C’était ridicule.

Mais cette fille, il avait l’impression de l’avoir déjà vue quelque part. Une lycéenne peut-être ?

Il s’approcha d’elle, d’un pas décidé.

« Peut-être que le fait que tu prétendes pouvoir avoir des millions d’amis chaque semaine est la raison pour laquelle tu n’en as pas ? Ou parce que tu as une froideur que tu dis ne pas avoir ? »

Bon, c’était pas vraiment la meilleure présentation, mais Haruki n’était pas connu pour sa subtilité, en vrai.

La lycéenne se tourna vers lui, visiblement surprise qu’elle ne soit finalement pas seule. Mais en même temps, un port est un espace public, donc oui des gens pouvaient y être, et elle se doutait visiblement qu’elle n’avait pas bien regardé. Enfin, ce n’était pas grave après tout, il n’avait pas l’intention d’être tout le temps désagréable.

C’est juste que le principe d’avoir des millions d’amis le dégoutait presque.

Il ne pourrait pas avoir des millions d’amis, de par son physique peut-être, mais aussi parce qu’il n’en avait absolument pas envie.

Mieux vaut être seul que mal accompagné comme on dit, et plus on a d’amis, plus on a de chances de rencontrer des cons.

Il écoutait l’inconnue pourtant familière, car celle-ci se justifiait, comme quoi elle n’avait aucun problème pour avoir beaucoup d’amis.

Haruki ne put se retenir de lever les yeux au ciel en entendant ça. Et aussi en entendant son nom absolument massacré.

« Bien essayé, mais c’est Haruki. Puisque tu connais mon nom, dis-moi le tien maintenant. »

Il l’écouta alors qu’elle lui répondait, visiblement vexée par ses remarques.

Cela le fit sourire. Il se mit droit devant elle et donna son point de vue sur la question de l’amitié.

« Ce n’est pas en disant que tu peux en avoir des millions, des amis, que les gens vont vouloir venir vers toi. Tu dois les laisser venir vers toi. Mais aussi aller vers eux. Tu es déjà allée parler à quelqu’un sans but particulier ? Tu devrais essayer. »

Quoi, personne n’a dit que l’amitié était quelque chose de facile.

« Je trouve ça un peu dommage, de vouloir beaucoup d’amis. Qui te dit qu’ils sont des bons amis, si tu en a beaucoup trop pour pouvoir les connaître personnellement ? »

Haruki ne comptait pas avoir des tonnes d’amis, comme elle, elle le voulait. Les quelques personnes qu’il avait rencontrées ici, il n’y en avait pas beaucoup, parce que va devenir ami avec un individu d’1m85 et des cheveux absolument pas courants au Japon.

Mais ça ne le dérangeait pas, ou du moins plus, de n’avoir que quelques personnes, de confiance.

Haruki avait bien senti que le fait qu’il ne connaisse pas son nom lui avait fait de l’effet, à cette lycéenne. Quoi, il ne s’était pas plus intéressé à elle que ça, il la connaissait de vue, mais sans plus. Et puis, il s’était intéressé à d’autres gens dans sa classe, aussi. Mais ça n’était pas le sujet.

« Enchanté alors, Mizuki Inoue. »

Elle lui expliqua qu’elle ne souhaitait pas en avoir des millions, car c’était impossible, et Haruki était presque heureux d’entendre cette phrase. Car oui, en plus d’être inutile, c’était impossible. Au moins elle était au courant de ça. Peut-être était-elle moins une cause perdue ?

Il la laissa lui tourner le dos, n’ayant pas l’intention de forcer le contact visuel. Il était peut-être quelqu’un d’absolument pas subtil, mais pas tant que ça un connard. Un peu parfois mais pas beaucoup.

« Peut-être que tu seras bizarre aux yeux des gens, même si je pense que tu l’es déjà. »

Encore une fois, la subtilité, ça n’existe pas.

« Mais et alors ? Ça ne t’empêche pas de le faire. Si tu as envie de leur parler, bizarre ou pas, faut le faire hein. Et puis si c’est leur avis, tant pis pour eux, c’est leur problème, pas le tien. »

Au fond, d’être vu comme bizarre, ce n’était pas facile pour tout le monde. Haruki, lui, s’y était habitué. Bon, petit, ce n’était absolument pas le cas, mais maintenant, il avait décidé d’arrêter de perdre son temps avec des gens qui ne savaient pas passer au-delà du physique. Ouais, il n’était pas brun, et ?

Sans trop se vanter, mais un peu quand même, il se trouvait classe.

Il fut surpris d’entendre une question sur lui, sur les amis qu’il avait lui. Il n’était pas le meilleur exemple en question d’amitié, mais peut-être que ce n’était pas plus mal finalement.

« Je dirais… une dizaine ? »

Bon, dans cette dizaine, certains étaient plus des connaissances que des amis, mais qui sait, avec le temps ?

Puis, sa colocataire de chambre s’était déjà bien habituée à lui, pour le coup.

Il n’avait aucune idée de comment Mizuki prenait le fait qu’il disait qu’elle était bizarre, et, à vrai dire, ce qu’elle en pensait lui importait peu. Car au final, elle était bizarre. Pas de façon négative, mais simplement bizarre. Et puis elle avait tout de même hurlé toute seule qu’elle avait plein d’amis.

Donc c’était bizarre.

Mais lui aussi était bizarre de toute façon. Donc tout ça, ça ne l’importait absolument pas. Et la question que Mizuki lui posa, bah elle était bizarre aussi.

« Bien sûr que d’être bizarre n’empêche pas de se faire des amis ! Et puis, sincèrement, dans cette académie, on est tous plus ou moins bizarres. Donc ceux qui te disent que tu es bizarre et qui refusent de devenir amis pour cette raison, c’est des hypocrites. Et il y a beaucoup de raisons qui font qu’on ne devient pas amis avec certaines personnes, mais « tu es bizarre », ici, ça ne fonctionne pas. »

Voilà, ça, c’était son avis, et il n’allait clairement pas le changer, quoi qu’on lui dise. Si quelqu’un n’était pas d’accord avec cet avis-là, tant pis pour lui. Il n’allait pas changer pour un individu.

Lorsque Mizuki lui demanda de l’aider à avancer, de pousser son fauteuil, il réalisa l’heure. Effectivement, ce serait bien de rentrer assez vite. De base, lui, il marchait assez vite, mais ce n’était pas la situation actuelle qui allait le faire marcher vite.

Mais il n’était pas un connard au point de la laisser coincée là.

« Oui, pas de problème. »

Une légère envie de rajouter « je n’ai pas le permis par contre » lui traversa l’esprit, mais il n’en fit rien, prenant les poignées du fauteuil et partant en direction de l’académie même.

Sur le trajet, il s’entendit demander par Mizuki de lui apprendre à se faire des amis. Il ne s’y attendait pas pour le coup. Et ça n’était pas inscrit dans ses projets.

« Tu ne veux pas essayer d’abord ? Juste de parler à quelqu’un, je veux dire, quelqu’un d’autre que moi, et on verra ensuite. »

Puis, en vrai, Haruki n’était pas professeur. Il doutait grandement de ses capacités à apprendre quelque chose à quelqu’un, car, simplement, ce n’était pas son métier.

Il verra bien comment tout cela avancera.

Et il devait l’avouer, il était assez intrigué.

Haruki n’avait jamais poussé un fauteuil roulant, donc il n’avait pas vraiment l’habitude de faire ça, pour ne pas dire pas du tout, mais il n’allait pas la laisser en plan comme ça. Il faisait juste de son mieux.

Bon, ça devait être largement différent de quand Mizuki se conduisait toute seule, mais il se débrouillait assez bien, du moins de son point de vue de débutant dans ce domaine.

Si elle avait été désagréable avec lui, il l’aurait probablement fait chier, d’une façon ou d’une autre, parce que, en réalité, faire chier les gens, c’était extrêmement amusant. Mais là, il n’avait pas de raisons d’être chiant. Enfin, plus que ce qu’il n’était normalement.

Mizuki n’était pas si désagréable comme compagnie, en soi. Il ne la connaissait pas, mais bon. Ou alors c’était juste l’environnement qui faisait ça ? Bref. Il l’écoutait alors qu’elle s’était mise à parler, étant sortie de son activité d’observation des alentours. Il comprenait pourquoi elle observait tout. L’endroit était assez agréable.

Il ne pouvait le nier, lui qui revenait de la plage.

« Oui, je resterais en arrière. Mais je compte sur toi pour essayer seule aussi. »

Il comptait sur elle ? Il ne la connaissait même pas. Peut-être y avait-il juste des gens comme ça à qui on pouvait faire confiance assez vite. En espérant que ce ne soit pas uniquement un leurre, ou une énorme déception plus tard.

Il verrait bien.

Mais visiblement, il ne semblait pas être le seul à penser ça, vu qu’elle lui demanda s’ils étaient amis.

Amis.

Haruki ne la voyait pas tout de suite maintenant comme une amie, car, après tout, ils s’étaient rencontrés quoi, 10 minutes plus tôt ? Donc, effectivement, c’était tôt.
Mais pas impossible, peut-être ?

« Oui, tu es pressée, j’ai remarqué. Mais qui sait ? Tu as beau être bizarre, et moi aussi, et hurler à l’horizon des paroles surprenantes, ce n’est pas impossible. »

Il réfléchit un instant.

« Puis hurler comme ça, ça peut être relaxant aussi. C’est extérioriser des trucs qui sont dans notre tête. »

Depuis quand il donnait des conseils à ce sujet, alors que beaucoup de choses tourbillonnaient dans sa propre tête ?