Heureusement, dans ce monde, que quelqu’un avait inventé les bibliothèques.

Aux yeux d’Haruki, une bibliothèque, ou une librairie, c’était comme le paradis. L’odeur des livres, le crissement des pages tournées, l’imagination des gens qui s’échappait, quand ceux-ci lisaient de la fiction, parce que bon c’était, pour Haruki, impossible qu’un livre de…philosophie, par exemple, permette à l’imagination de qui que ce soit de s’animer. Enfin bon, après, chacun son délire, hein, ce n’était juste absolument pas le sien.

Et peut-être que les gens se disaient que « cet individu aux cheveux roux se détachait totalement de cet environnement calme ». Peut-être qu’il n’avait pas l’apparence de quelqu’un aimant les livres, quoi que ça veuille dire. De toute façon, son apparence hein, il se doutait bien de ce que les gens en pensaient, ce n’était pas une nouveauté, lui, le gars bizarre, avec des yeux bleus et des cheveux roux, mais un parent japonais.

Un monstre sorti tout droit des livres de fantasy ? Peut-être. C’était presque un compliment.

Il ouvrit donc cette porte, menant à un univers de confort qu’était la bibliothèque de l’université. Ou on peut dire la bibliothèque de l’académie. Heureusement que l’accès était ouvert à tous. Il aurait du mal à connaître son existence et de ne pas pouvoir y accéder. Ce serait une torture, en vrai.

Comme savoir que la musique existe, mais de ne pas y avoir droit.

Il frissonna à cette simple idée, lui qui appréciait largement l’art de la musique, et l’art de la danse, qui venait avec.

Bon, stop. Il avança dans la pièce, observant les étagères paradisiaques, remplies de livres. Un sourire marqua ses lèvres, et il fit un petit tour entre tous les rayonnages, évitant les quelques personnes, ignorant les regards, et s’arrêtant devant une étagère en particulier.

Celle des œuvres concernant la science, mais surtout, l’espace.

Il n’avait rien contre la fiction, au contraire, la fiction c’est la vie, une échappatoire, un nuage, etc.

Mais là, tout de suite, son envie d’espace, de galaxies, occupait totalement son esprit.

Il se mit à fouiller, jusqu’à trouver un livre qui lui semblait intéressant. Rangeant derrière lui, il prit ce livre en question, et oublia qu’il était debout en plein milieu de deux étagères.

Le livre avait happé son attention, tout individu, tout élément autour de lui, disparaissant.

Il n’était pas pressé de ressortir de ce livre.



 

Il était bien où il était actuellement, un livre entre les mains, bien qu’il soit potentiellement en plein milieu du passage, ou pas, il avait un vague souvenir de s’être rapproché de l’étagère sur laquelle il avait pris le livre qui l’avait emmené ailleurs, histoire que les gens puissent passer s’ils en avaient le besoin. Mais lui n’avait plus envie de bouger.

Ce n’était pas un livre d’images, et pourtant, si on regardait bien, on pourrait voir des étoiles se refléter dans le bleu des yeux d’Haruki. Et dire que certaines personnes se sentaient suffisamment satisfaites juste en se contentant de ce qu’il y avait sur Terre. Comment ? Ok, c’est bien la Terre, c’est beau, il y a encore plein de choses à découvrir, mais l’espace est tellement intéressant.

Oui, l’inconnu fait absolument peur, mais en même temps, ça doit être tellement beau.

Alors qu’il était convaincu de s’être perdu dans ce livre pendant plusieurs heures, il n’entendit pas la porte s’ouvrir, des pas se rapprocher de lui, mais il entendit son nom être prononcé.

Il lui fallut quelques secondes pour revenir à la réalité, et regarder la personne en face de lui. Il dût avoir l’air un peu perdu quelques secondes, puis fit un grand sourire en la voyant devant lui.

« C’est moi ! »

Haruki fixa l’individu qui était devant lui, réalisa soudainement qu’ael lui avait parlé sans problème. D’habitude les gens hésitaient toujours avant de s’approcher de lui, et ça depuis son enfance. Qui oserait s’approcher d’un individu aux cheveux sortant tout droit du soleil lorsqu’il était enfant, et qui maintenant s’approcherait d’un individu aux cheveux sortant tout droit du soleil, et beaucoup trop grand ?

Cette personne visiblement. Il l’écouta parler, se présenter. La personne semblait assez à l’aise avec sa présence. D’ailleurs cette personne s’appelait Tetsuki. Il nota le nom dans un petit coin de sa tête, pas que ça ait grande importance, mais ça en avait une en soi. Il aimait bien retenir le nom des gens qu’il rencontrait.

« D’accord Tetsu ! »

Tout de suite, il l’appela par son surnom. A vrai dire, il n’avait pas vraiment réfléchi, il était juste très (trop ?) enthousiaste, de bonne humeur, tout ça.

« Je vais bien ! Et toi ? »

Il sourit, puis réalisa qu’il avait encore le livre ouvert dans ses mains. Il le reposa, puis regarda de nouveau Tetsu, toujours souriant.


 

Alors qu’il venait de reposer le livre, il le fixa un moment, notant dans sa tête l’emplacement de celui-ci, pour potentiellement le reprendre après, car franchement, il était vraiment intéressant.

Il fut rappelé à la réalité par Tetsu, qui avait parlé, pour dire qu’ils devraient chercher une place ou s’installer. Haruki baissa les yeux vers ses pieds, se rappelant que, oui, il était debout, et que de travailler debout, eh bien, c’était compliqué. Ça faisait mal aux jambes aussi, peut-être. Puis Haruki se doutait bien qu’il ne saurait rester concentré comme ça.

A voir s’il pourrait rester concentré tout court. Il hocha la tête et suivit Tetsu vers une table libre, réalisant alors qu’ael posait les documents ramenés qu’il aurait pu l’aider à tout porter, sauf qu’il n’y avait pas pensé.

Comment dire que sur le coup, il se sentait un peu ridicule… Il le.a regarda s’asseoir, et puis s’installa à son tour, loupant de peu la chaise, mais cela passa inaperçu.

Il regarda Tetsu de nouveau, tentant de garder un sourire normal, mais il devait avouer qu’un léger stress s’installait. Après tout, il n’était pas là pour s’amuser, et malgré le fait qu’ael avait rajouté dans sa phrase que ce n’était pas pour lui mettre la pression, eh bien, la pression, il se la mettait quand même. Mais ael avait raison, quand même. Se mettre la pression n’était pas vraiment utile, au final.

Lorsque Tetsu avait fini de parler, il hocha la tête. Sa main se dirigea sans qu’il le remarque vers son oreille, plus particulièrement sa boucle d’oreille, accrochée à celle-ci. Ce geste, qu’il ne remarquait que rarement, était quelque chose qui se reproduisait souvent, dans des moments compliqués. Il ne pouvait s’en empêcher. Enfin, ce moment n’était pas compliqué, mais comment savoir ce qu’il voulait faire après le lycée ? Il était encore perdu, à ce sujet.

Il voulait dire qu’il voulait être danseur, mais est ce que des études de danse existaient ici ? Il n’en savait rien. Et si ael ne voyait pas ça comme un vrai chemin de carrière ? Puis la danse ne s’apprenait pas dans les livres.

Du coup, il prit la décision de ne pas en parler.

« Je…Je pense… uhm… Des sciences… ? Ou… de l’histoire ? »

Ou de la Danse.

Super, c’est utile comme réponse ça, Haruki. Il regarda simplement le tas de feuilles que Tetsu avait ramené, se sentant encore plus perdu. Pour tenter de changer de sujet, de retarder peut-être ce choix, il regarda Tetsu et lui posa une question.

« Et toi, tu fais quoi comme études ? »

Il l’appréhendait grandement, cette fin de lycée, bien qu’il n’y soit pas encore.

Haruki profita de quelques instants pour observer Tetsuki. Il savait bien que de se faire fixer pouvait mettre des gens extrêmement mal à l’aise, et il en avait fait l’expérience, des regards insistants. Du coup il observait l’étudiante devant lui, mais le plus discrètement possible.

Il remarqua ensuite le sourire de celle-ci, sourire compatissant, sourire rassurant, mais cela le rendit presque embarrassé. Il eut l’impression de sentir chaque parcelle de son propre corps, de sentir chaque geste qu’il effectuait avec ses membres. C’est là qu’il réalisa que sa main jouait avec sa boucle d’oreille. Et il arrêta immédiatement.

Il n’en voulait pas à Tetsu, au contraire, ce sourire rassurant était bien nécessaire, mais il avait eu l’impression de montrer son appréhension, son stress, de façon beaucoup trop forte. Et il détestait montrer ses faiblesses.

Une partie de lui, peut-être beaucoup trop orgueilleuse, lui disait que tout allait bien, qu’il trouverait facilement quoi faire, qu’il était invincible, tout ça.

Mais au fond, il n’était qu’humain, comme tous. Alice ou pas, il n’était qu’un adolescent de 17 ans au final… Rien de plus.

Il fut sorti de ses longues pensées par la voix de sa tutrice, qui elle aussi n’était qu’une étudiante au final.

Les Sciences Vétérinaires ? C’était bien ça aussi. Absolument pas son délire, mais être en compagnie d’animaux en permanence devrait être très intéressant, mais en même temps, si compliqué.

Comment s’occuper d’un autre être, alors qu’Haruki se demandait parfois comment s’occuper de lui-même. Comment les gens avaient-ils une vie parfaite ? On dit toujours que la perfection n’existe pas, mais des fois, il y avait des gens qui sentaient ce truc-là, la perfection, à plein nez.

Bon ça suffit les pensées louches.

« C’est bien, c’est le principal d’aimer ce que l’on fait ! »

Il fit un grand sourire, puis la regarder fouiller dans ses papiers beaucoup trop nombreux à son gout.

« Oui, ça me va les sciences. »

Ce n’était pas de la danse, mais c’était bien aussi.

« D’accord ! »

Il se sortit un stylo, qu’il n’avait pas oublié, miraculeusement, car ça aurait été possible, mais ce n’était pas le cas.

Il observa les exercices que Tetsu lui avait donné, se mettant à mordiller le stylo, un peu angoissé.

Pas à cause de son interlocutrice, mais juste de lui.

Pourquoi d’un coup, était-il convaincu que ses réponses devaient être toutes bonnes, à ces exercices ?

Haruki s’arrêta soudainement de mordre le stylo qu’il tenait dans sa main, se concentrant de façon approximative sur les exercices. Il était censé adorer la science. Mais la science contenue dans les exercices que Tetsu lui avait donné, bah… elle n’était pas si intéressante que ça… Enfin si elle était intéressante, mais en même temps, ce n’était pas ce qu’il préférait.

Mais il ferait de son mieux tout de même. Même si ça semblait…mal barré. Un gros blanc envahi son esprit d’un coup.

Il eut l’impression, soudainement, d’avoir perdu toutes ses connaissances. Sauf que ce n’était probablement pas ça. Il n’était juste pas motivé, peut-être ?

Ou alors il se disait qu’il n’était pas à la hauteur. Car sa tutrice était clairement à la hauteur à ses yeux. Peut-être pour les mauvaises raisons, mais elle était à l’université quand même. Lui non. D’ailleurs, est-ce qu’il irait jusque-là un jour ? Aucune idée.

Pas à cause de son alice, pour une fois, mais juste à cause de lui. Avait-il la capacité pour l’université ? Il n’en avait aucune idée. Absolument aucune.

Il lâcha un léger soupir, tout en répondant aux quelques exercices qui lui avaient été donnés.

Il aimerait bien y aller, à l’université, quand même. Pas pour la science. Mais quand même. Pour se prouver qu’il en était capable aussi ? Qui sait.

Il fut sorti d’un coup de ses pensées par Tetsu, qui lui disait qu’ils arrêtaient pour aujourd’hui. Quoi, déjà ?

Il n’avait absolument pas vu le temps passer.

« Oh, d’accord. »

Fini, oui, mais Tetsu corrigeait tout de même ses fautes. Au fond, Haruki ne voulait pas faire de fautes. Il n’aimait pas ça. Mais il se doutait qu’il en avait fait des tonnes. Et Tetsu le lui dit clairement. Pas méchamment, mais clairement.

Il n’était pas fâché, il s’en doutait bien. Donc quand Tetsu lui dit que la géologie n’était pas son domaine de prédilection, il ne put que rire. Juste un rire, pas amer, rien.

« Oui c’est vrai… Je ne m’y connais pas bien. »

Dommage. Un léger découragement s’installa brièvement dans sa tête avant de disparaître.

« Comment tu fais ? »

Question conne, sûrement.